« Félicitations Mr Knight, c'est un beau garçon en bonne santé ! » À ces mots, je crus que mon père allait s'étouffer. Sur l'espace de 3 ans, il avait eu trois enfants : trois garçons. Un futur trio infernal, les trois mousquetaires, ... l'enfer sur Terre ? Pour certains hommes, ça aurait été une véritable bénédiction. Quoi de mieux que trois héritiers mâles pour pouvoir faire perdurer le nom de famille ? Pourtant, xxx Knight avait toujours rêvé d'avoir une petite fille, allez savoir pourquoi. « Bon, l'important c'est qu'il aie bien... » se résigna pourtant le nouveau père de famille, tentant de reprendre ses esprits malgré l'émotion qui le submergeait. « Tu t'appelleras donc Connor. Connor Daryl Knight. Par pitié, ne sois pas aussi terrible que tes deux aînés... »

Si seulement mon père avait su ce qu'il l'attendait, probablement aurait-il demandé un service d'échange ou aurait-il proposé à ma mère de me rentrer et d'attendre le prochain. Déjà qu'il avait du mal à supporter les disputes et l'agitation provoquée par mes deux grands frères, mon arrivée signa l'arrêt total de sa tranquilité. En même temps, c'était un peu prévisible avec trois enfants : tous ne vivaient pas au même rythme et pendant que certains s'endormaient, d'autres s'éveillaient et entamaient un concert jusqu'à réveiller les autres, et vice versa. C'est probablement la raison pour laquelle mes parents aimaient tant nous envoyer jouer à l'extérieur quitte à recevoir les plaintes de nos voisins mécontents :  au moins, ça leur permettait de souffler et d'avoir un peu la paix de nous ! Heureusement pour eux et pour leur santé mentale, 6 longues années après ma naissance vint au monde la petite dernière de la famille, la petite fille tant attendue : Marley. Plus jeune, je me suis demandé bon nombre de fois pourquoi il y avait tant d'écart entre elle et moi alors que nos parents nous avaient tant précipités, mes frères et moi. Finalement, j'en suis venu à la conclusion que gérer trois enfants leur demandaient tant d'efforts et d'énergie qu'ils ont dû entamer une très longue grève du sexe avant de s'y remettre et de risquer un quatrième monstre à la maison. Encore aujourd'hui, c'est la seule explication rationnelle que j'ai pu trouver.

« Tu feras comme tes frères et tu attendras de décrocher ton diplôme avant de faire ce que tu veux, il est hors de question que tu quittes les études pour poursuivre ce projet saugrenu qui ne te garantit aucun avenir certain ! » J'avais soupiré. Ma mère me croyait-elle stupide au point de tout larguer pour un projet auquel je n'aurai pas réfléchi au préalable ? L'important n'était-il pas de vivre de sa passion, quoi qu'il arrive ? Visiblement, pas aux yeux de ma génitrice. « - Mais m'man... » Elle m'interrompit d'un geste rageur de la main. « J'ai autre chose à faire que d'écouter des âneries pareilles. Va donc t'occuper de Marley, je suis fatiguée. » Sans me laisser le temps de prononcer un seul mot supplémentaire, elle tourna les talons et se dirigea vers sa chambre. « - Ouais.. Si tu te shootais pas aux médocs, peut-être aurais-tu plus de temps à nous consacrer. » m'étais-je contenté de marmonner entre mes dents avant d'aller jouer un peu avec Marley qui semblait elle aussi si seule depuis le décès de papa.

Les relations entre ma mère et... à peu près toute la famille, spécialement moi, étaient devenues fort conflictuelles depuis le décès de mon père. Cette épreuve avait été difficile à surmonter pour toute la famille, mais plutôt que d'aider ses enfants à y faire face, ma mère avait préféré s'isoler et faire son deuil seule de son côté. Néanmoins, elle continuait de se mêler de nos études et réussit à me faire terminer mes études secondaires à l'âge de dix-neuf ans, après avoir loupé ma dernière année une fois. Elle aurait dû le comprendre pourtant, vu le nombre de fois où j'ai tenté lui en parler, que les études ce n'était vraiment pas mon truc. Pourtant, elle avait préféré s'acharner et me forcer à terminer "juste au cas où", disait-elle. Moi, ce que je rêvais de faire depuis mes 14 ans, c'était de travailler dans un salon de tatouages. Et finalement, il m'a fallu attendre l'âge de 25 ans pour que ça se concrétise, un ami de mon frère aîné tenant son propre salon jusqu'à la faillite de celui-ci.

« Tu vas faire comment, maintenant que le salon de Luke est fermé ? » Je haussais les épaules. Mon frère et ses éternelles questions auxquelles je n'avais que très rarement la réponse. « - Aucune idée. Je vais probablement me retrouver à bosser au Mcdo ou quelque chose d'humiliant dans ce genre-là.. » Je grimaçais, m'imaginant déjà rentrer chaque soir à l'appartement en rapportant avec moi une insupportable odeur d'huile de friture. Immonde. « J'ai beaucoup réfléchi à propos de toi, tu sais. Probablement qu'il y a cinq ans, je ne t'aurai jamais proposé quelque chose dans ce genre-là mais bon... je crois que maintenant tu es assez mature que pour y arriver, à condition d'avoir un petit coup de pouce. » Je fronçais les sourcils, ne quittant pas mon aîné du regard. Ne pourrait-il pas s'exprimer clairement, au moins une fois dans sa vie ? « Ce que je veux dire par là, petit frère, c'est que je me suis arrangé avec Luke. Il m'a dit qu'il devait fermer le salon car depuis que sa copine l'avait quitté, il avait beaucoup trop d'ennuis financiers que pour parvenir à payer le prix de la location du salon.» « - Et ? » « Et je sais à quel point ça te tenait à coeur, toutes ces histoires de tatouages et de trucs dans ce genre-là... Et vu le désespoir de Luke, je savais qu'il ne pourrait rien me refuser. Donc voilà, tu peux officiellement te considérer comme étant le nouveau propriétaire du meilleur salon de tatouages de toute la ville ! »